Cowop

Cowop : dépasser le virtuel et trouver le collectif de freelances adapté !

En 2020, la crise sanitaire a largement favorisé le développement des communautés freelancing en ligne. Depuis quelques mois, un mouvement parallèle voit le jour, les communautés de freelances éprouvent le besoin et/ou l’envie de se retrouver en vrai après une période de repli sur soi : « trouver un espace de travail avec des gens qui nous ressemblent », voici le nouveau challenge de la plateforme Cowop vis-à-vis des indépendants, créée en 2019. Aujourd’hui, l’équipe d’Hubl est ravie à l’idée de rencontrer son fondateur, Grégoire, qui n’aurait pas imaginé que le phénomène prendrait une telle ampleur en seulement deux ans.

Hubl : Salut Grégoire, qui es-tu ? D’où viens-tu ?

Grégoire Bois : Je suis entrepreneur et freelance en tant Growth Product Manager. Le terme peut paraître barbare mais c’est tout simplement être PM en priorisant en fonction de nos données. Je fais ça depuis quatre ans. En parallèle, j’ai monté Cowop seul en septembre 2019 pour permettre aux freelances, entrepreneurs et autres sans bureau fixe de se retrouver pour coworker ensemble, dans la vraie vie. Au départ, on organisait des sessions à domicile mais le covid nous a mis un bon coup d’arrêt, et récemment, on a ouvert aux espaces de coworking : ça repart de plus belle depuis la rentrée. Les gens ont vraiment besoin de se voir à nouveau, en chair et en os. De mon côté, la plupart de la semaine, je travaille de chez moi, je n’habite plus à Paris, mais j’y retourne chaque semaine. Avec Cowop, on fait une ou deux sessions hebdomadaires – essentiellement à Paris pour l’instant – et dans ce cadre-là, tu rencontres vraiment des gens, le reste de la semaine, tu organises ton temps, tu fais tes visios, et tu travailles plus efficacement. Mais franchement, il y a un ras-le-bol général des écrans et de la visio !

Sylvain Doré, un autre freelance, UX master, m’a rejoint dans l’aventure depuis plusieurs mois et l’équipe va bientôt s’étoffer avec une cofondatrice en marketing.

◦ Sylvain et Grégoire, les cofondateurs de Cowop ◦

(H) : Qu’est-ce qui vous a poussé, Sylvain et toi, à créer Cowop ?

(GB) : Je suis sorti un peu dégoûté et lessivé d’une grosse mission en Product Manager freelance à la Défense, réalisée avec une grosse boîte. Je me suis rendu compte que je m’étais un peu égaré et éloigné de mes valeurs pendant cette période. Je me suis alors demandé comment je pouvais rencontrer et passer plus de temps avec des gens qui me ressemblaient. J’ai tenté plusieurs espaces de coworking, mais personne ne se parlait et puis, on ne revoit pas forcément les gens. J’ai participé à beaucoup de Meetups mais ce n’était pas non plus l’endroit idéal pour avoir des discussions profondes. J’avais vraiment envie de trouver un format où on passerait la journée ensemble, dans un cadre assez informel pour se sentir bien et favoriser les échanges. Je me suis donc dit qu’il fallait créer une solution pour permettre aux gens de trouver des gens qui leur ressemblent et de passer du temps ensemble, s’entraider, discuter, dans un environnement agréable et qui met en confiance.

Au départ, nous étions vraiment sur le concept du coworking à domicile, c’est-à-dire des sessions organisées chez des particuliers, comme ce que propose Tablecorner. Au moment du premier confinement, tout a basculé, toutes les sessions planifiées ont été annulées. Pour garder le lien, j’ai vite réfléchi à une version « en ligne » de ces rencontres, et on a initié toutes les semaines des cafés virtuels au démarrage de la journée de travail : ça nous permettait d’échanger sur tout un tas de sujets et problématiques de notre quotidien d’indépendant.

◦ Session de cowork

Malgré tout, après cette période confinée, notre communauté n’a pas cessé de s’étoffer, même si ça devenait hyper compliqué car les membres ne voulaient plus forcément inviter des gens chez eux, et les coworkers ne se sentaient pas à l’aise de rester dans un 30 m2 avec d’autres personnes. On s’est rendu compte qu’en ne proposant que des sessions à domicile, ça nous fermait pas mal de portes. À Paris, il y a beaucoup de gens qui vivent dans des petits apparts et qui ont d’autres envies que de se retrouver dans un autre petit appart : l’espace de coworking permet parfois de se sentir plus à l’aise aussi pour participer ou non aux échanges, partir à n’importe quel moment. C’est assez difficile de trouver des appartements, d’organiser des sessions, on est un peu à la merci des autres et de leur volonté ou non de mettre leurs appartements à disposition. À l’inverse, les espaces de coworking sont ouverts tous les jours, c’est beaucoup plus simple.

En septembre 2021, on a pris un tournant et on a commencé à ouvrir notre concept sur les espaces de coworking ! Aujourd’hui, la plupart de nos sessions se déroulent dans ces espaces.

En ce qui concerne les sessions à domicile, on réitérera le format mais plutôt dans des villes de province où les espaces de coworking n’existent pas et où les gens ont des appartements plus grands, voire des maisons pour accueillir du monde.

(H) : Que proposez-vous chez Cowop ?

(GB) : On permet à tout le monde de se retrouver très facilement pour coworker. On met à disposition des dizaines d’espaces sélectionnés par nous et la communauté, et les membres s’organisent entre eux sur la plateforme pour passer une super journée ensemble.

On a une communauté passionnante et les sessions de coworking peuvent prendre plusieurs formats. La communauté adore lorsqu’on organise des sessions sur des thèmes qu’ils affectionnent tout particulièrement : l’entrepreneuriat, le no-code1, le design produit, les cryptos, etc.

On a commencé à faire des sessions à thème assez rapidement et honnêtement, ce sont des thèmes que j’ai choisis, car je les maîtrise, je n’oserais pas créer de sessions à thème sur des sujets que je ne connais pas du tout. Faut dire aussi que j’ai créé Cowop en no-code et que beaucoup d’internautes fans du no-code s’en sont rendu compte ! Je voulais proposer à ces communautés en ligne – les no-coders –, qui ont l’habitude de se rencontrer et de se parler virtuellement, de se rejoindre en vrai. En virtuel, la relation ne dépasse pas un certain stade, là où la rencontre en vrai ouvre d’autres portes.

Chaque membre peut aussi ajouter ses espaces préférés, proposer son salon, organiser ses propres sessions de coworking et même – petite nouveauté sur la web app cette année – créer un groupe (autour d’un thème, d’une ville, etc.) pour coworker avec ses Cowopeurs préférés.

Avec Cowop, on va un peu à l’encontre du phénomène actuel qu’on appelle « les métavers2 », il y a beaucoup d’outils digitaux qu’on utilise au quotidien de manière presque naturelle mais il ne faut pas oublier qu’on n’aura jamais une relation aussi approfondie et authentique que lorsqu’on se rencontre en vrai. Depuis deux-trois ans, énormément de communautés se sont créées, avec Cowop, on a à cœur de les accompagner pour que leurs membres puissent créer des liens plus forts et engageants.

(H) : Finalement qui sont les utilisateurs de Cowop ?

(GB) : Des freelances émancipés je dirais, des entrepreneurs, des salariés, des travailleurs remote… Les profils sont hyper variés ! Les utilisateurs les plus actifs chez Cowop sont freelances mais eux-mêmes n’apprécient pas tellement le terme, ils se définissent plus naturellement comme des entrepreneurs.

Être « freelance » va consister plus généralement à répondre à des missions, alors que les entrepreneurs adorent venir en sessions de coworking pour parler de leur(s) projet(s), échanger et tester leurs idées avec les autres membres, trouver un soutien. De fait, les freelances « stricts » peuvent être assez frustrés par le modèle de Cowop car ils ont besoin de calme et de concentration, et se retrouvent dans une journée davantage basée sur l’échange.

« Freelance » est un mot « fourre-tout » qui peut être vu un peu comme régressif, alors que d’autres vont privilégier cette dénomination. La multiplicité des termes fait qu’il n’est pas évident pour nous de s’adresser facilement à notre cible.

(H) : De quelle manière est accueilli Cowop par les utilisateurs ?

(GB) : Malgré presque 100 journées de coworking passées avec les gens de la communauté, je ne me lasse pas. Les retours sont toujours très positifs. Ce qui ressort systématiquement, c’est qu’on permet aux gens de sortir de chez eux, de trouver enfin des gens qui les comprennent et qui partagent les mêmes valeurs. Le format de journée de coworking leur permet de ne plus travailler seuls mais surtout d’avoir le temps d’aller dans le fond des choses, d’échanger sur leurs problématiques et leurs projets et très souvent de créer de nouvelles amitiés.

◦ Session de cowork

Ils me disent souvent qu’ils ont enfin trouvé leur « famille », des gens avec qui ils sont à l’aise et avec qui ils passent un bon moment. On me parle souvent d’« équipe de travail idéale » où il est enfin possible de choisir nos collègues !

Avant d’être freelance, j’étais salarié dans une boîte de consulting. On était un peu comme des freelances mais réunis dans une entreprise, et c’est vrai que, lorsque je suis devenu freelance, beaucoup de mes anciens collègues se sont intéressés à ce statut. Ceci étant dit, je pense que ce statut n’est pas fait pour tout le monde. On en parle d’ailleurs sans langue de bois dans le LIVE organisé par Maestro de mardi 29 mars, parce qu’être freelance, ce n’est pas que positif et facile !

Après le confinement, des boîtes ont fait appel à Cowop et nous ont proposé de faire des sessions un peu transverses sur le Product Management où plusieurs Product Managers de plusieurs entreprises se retrouveraient pour échanger sur leurs pratiques et sur leur façon de travailler. C’est une manière d’améliorer son travail, il y a là une vraie valeur pour les salariés d’une entreprise à ce que ces sessions existent. C’est vraiment une logique d’entraide et non pas de concurrence !

Question organisation, certains coworkers font une session par semaine, d’autres font une session par mois et n’ont pas besoin de plus, ça dépend vraiment de l’expérience de chacun et où on en est dans sa vie de freelance ou d’entrepreneur.

Il y a des moments où t’as envie de rencontrer du monde, il y a des moments où t’es à fond sur ton projet et t’as moins de temps. On ne cherche pas à ce que les mêmes gens viennent tout le temps.

De toute façon, tout dépend du lieu où l’on cowork. D’ailleurs, on veut éviter de mettre en place un système de notation des espaces sur notre plateforme car c’est vraiment propre à chacun, et ça dépend du nombre de coworkers le jour J et des synergies qui peuvent apparaître entre les gens. En fait, aucune journée de coworking ne se ressemble !

◦ Session de cowork ◦

Quelques témoignages :

  • « Parfois, j’ai juste envie d’aller à une session pour changer d’atmosphère (vs. mon bureau où je vais presque tous les jours). Ça me met dans une autre ambiance. Je sais que je ne vais pas forcément être efficace, mais ça me rebooste et souvent je peux aussi échanger sur une problématique en cours et trouver un nouvel éclairage, ou à mon tour partager une ressource ou un conseil avec un Cowoper. »

Valentine Gatard, Consultante en stratégie

  • « Au-delà des sessions de coworking, Cowop est une expérience humaine. On y passe des journées dans un cadre totalement safe dans lequel circule une énergie folle. On y rencontre des humains exceptionnels. On y partage n’importe quel sujet, toujours dans la bienveillance. Le terme “Cocon” me revient à chaque fois que je parle de Cowop. »

Maryon Simon, Product Designer

(H) : Comment as-tu connu Hubl et que penses-tu de la démarche ?

(GB) : Je m’intéresse depuis longtemps à tout ce qui est collectif de freelances, alors quand les cofondateurs Cyril et Alex m’ont contacté fin 2021 pour me parler d’Hubl, le projet m’a tout de suite plu, mais ce sont surtout les échanges avec Cyril et Alex qui m’ont convaincu. Ils sont très sympas, ont une vraie vision et on partage le même attrait pour des communautés vraiment humaines et l’esprit de corps. On a fait une session de coworking ensemble, et après on a continué de se voir.

Je trouve le concept très smart, j’ai moi-même souvent été confronté à cette problématique en tant que Product Manager freelance, j’étais bien placé pour voir les faiblesses dans les équipes de mes clients. Mais c’était toujours compliqué de trouver les bonnes personnes et certains recrutements se sont avérés contreproductifs car on n’avait pas de background sur la personne.

Avec Cyril et Alex on a le souhait commun de vraiment bien accompagner les freelances dans leur aventure, d’une façon plus humaine et sympa qu’un long listing de profils. Du coup, ça me semble tout naturel qu’on joigne nos forces !

(H) : En quoi, selon toi, ce partenariat peut être une vraie valeur ajoutée pour les freelances ?

(GB) : Très concrètement on adore notre communauté et on cherche toujours des moyens pour leur apporter plus de valeur. Parce que l’on connaît bien nos membres, que ce soit leur savoir-faire ou leur savoir-être éprouvés en sessions de coworking, on peut proposer, grâce à Hubl, les bonnes missions aux bons profils. On réfléchit avec Cyril actuellement à une collaboration plus poussée, on pourrait très classiquement proposer une réduction aux membres d’Hubl pour accéder aux sessions de coworking. Mais on essaie de voir comment mieux s’imbriquer pour que Hubl puisse aussi confier des missions aux Cowopers. On souhaite vivement que nos communautés de freelances respectives se rencontrent.

La valeur d’Hubl pour les clients repose sur la curation des profils proposés. Ça tombe bien car nous connaissons très bien nos membres, que ce soit leur job mais aussi leurs centres d’intérêt. Mais notre force vient de la validation par les pairs : nos membres coworkent régulièrement ensemble et on voit très vite sortir du lot ceux qui sont appréciés par leurs pairs. Ce sont ces profils que nous pourrons proposer à Hubl, les yeux fermés.

Cowop peut permettre aux membres de Hubl d’être plus soudés en se retrouvant pour des journées de coworking endiablées dans des espaces sélectionnés. Échanger sur nos problématiques, parler de nos projets et de nos avancements, parler de notre vie de freelance, de nos clients, de nos missions… Tout cela est rendu possible pendant nos sessions de coworking.

(H) : Si je te dis « avenir des freelances », comment ça résonne en toi ?

(GB) : Le marché du travail, pour nos métiers, est en plein bouleversement depuis quelques années et le covid n’a fait qu’accélérer les choses. Il y a quelques années, j’avais lu une étude prédictive qui disait que d’ici 10-20 ans les gens ne travailleraient plus pour une boîte mais pour des projets, allant de boîte en boîte sur des projets spécifiques pour apporter leur expertise.

Je suis convaincu que cette façon de travailler peut libérer et épanouir des millions de travailleurs comme nous et c’est pour cette raison que j’ai monté Cowop.

On ne se définit plus par l’entreprise pour laquelle on travaille mais par nos valeurs et nos passions. En plus de nous rendre heureux, elles peuvent maintenant nous faire vivre, pourquoi dans ce cas-là revenir à l’ancien modèle ? Pourquoi subir nos collègues quand on peut les choisir ? Pourquoi passer notre vie dans une entreprise pour laquelle on n’est qu’un pion ?

Lorsqu’on est salarié, finalement on appartient à la « communauté » de l’entreprise, en revanche, lorsqu’on est freelance ou entrepreneur, on a besoin d’une appartenance, c’est alors essentiel de regagner une communauté.

De plus en plus de personnes en prennent conscience, il suffit de voir le Big Quit aux États-Unis (2021) qui commence à arriver chez nous et je ne vois pas comment ce phénomène ne pourrait pas encore s’amplifier. J’ai vraiment beaucoup de gens autour de moi qui ont quitté Paris et changé de boulot, le covid a fait perdre l’équilibre à de nombreuses personnes en télétravail qu’elles soient salariées ou freelances, on a envie d’un rythme de vie plus simple.

◦ After work au vert ◦

Les gouvernements ne peuvent plus fermer les yeux là-dessus et notre statut va devenir donc de moins en moins précaire. C’est un cercle vertueux. Ce statut moins précaire va convaincre encore plus de personnes. Etc. Etc.

Tout n’est pas rose, l’entreprise constituait la « communauté sociale » pour le travailleur qui risque de vite se retrouver sans repères s’il n’appartient plus à aucun Commun. Il y a de plus en plus d’entrepreneurs et de freelances dans la sphère travail : à nous de transformer les lieux pour les accueillir – qui ne sont que des « contenants » – en apportant cette couche communautaire pour leur permettre de s’épanouir.

1. No code : Système de création de programme sans développement de code source.

2. Métavers : monde virtuel ; terme utilisé pour décrire une future version d’Internet où des espaces virtuels, persistants et partagés sont accessibles via interaction 3D.

Entretien réalisé à Paris en mars 2022


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