Développer sa notoriété seul lorsqu’on est freelance n’est pas chose aisée, en revanche, développer sa notoriété à plusieurs peut donner des ailes. Faire partie d’un collectif dynamique et structuré avec une spécialité facilite les échanges, les rencontres, les apports de missions… Lookoom, un collectif atypique, est né à Paris en 2018 de la synergie de quatre femmes, Louise Racine, Leïla Haddouche, Marie Robin et Samantha Kerdine qui ont eu envie de confronter leurs points de vue et de mettre leurs compétences en commun, dans la bienveillance et le respect des rythmes de chacun.e. Aujourd’hui, Hubl part à la rencontre de Louise Racine pour comprendre comment et pourquoi Lookoom est né et de quelle manière le collectif s’active au quotidien.
Hubl : Bonjour Louise, tu fais partie des quatre cofondatrices de Lookoom, raconte-nous un peu d’où tu viens ? Et pourquoi la naissance de Lookoom ?
Louise : J’ai fait une école info-com spécialisée en journalisme en 2005, et j’ai passé plusieurs années dans les nouvelles influences, ex RP, chez Publicis Luxe entre autres. En fait, j’ai pratiqué l’influence avant que ça existe comme aujourd’hui. Lorsque les social media ont pris de la place dans les écosystèmes de communication en 2010, je me suis lancée à fond dans le domaine et je me suis autoproclamée community manager parce que je rêvais de faire ça ! Je me suis formée en même temps que j’apprenais le métier, je fais partie de la première génération des social media manager. Je me suis vite rendu compte qu’en pratiquant ce métier, je ne travaillais jamais seule. Je faisais appel à beaucoup d’autres gens, et on a toujours besoin d’experts complémentaires : des DA, des rédacteurs, etc. Je suis devenue freelance en 2017, naturellement, je me suis mise à créer une communauté autour de mon expertise et très vite, je me suis dit que cette communauté, ça valait le coup de la valoriser, de se mettre un peu en avant surtout de manière collective et non pas individuelle. J’ai parlé de ce constat à deux autres freelances de mon réseau : Leïla et Marie. Au cours d’un déjeuner, je leur ai soumis l’idée de créer un collectif qui s’appellerait Lookoom (à l’époque, ça s’écrivait « Loukoum »). En discutant avec elles, en mélangeant nos réflexions, le modèle a pris forme. D’une communauté basique, on est allé vers la création d’un collectif atypique et structuré. On sortait toutes d’expériences assez rugueuses en entreprise, on se lançait en freelance avec la ferme intention de transformer notre quotidien professionnel. Lookoom vient un peu « boucher tous les trous » du freelancing :
- La solitude
- Le manque de collègues
- Le fait de continuer à monter en compétences
- Le fait de se remettre en question
etc.
Tout s’est fait petit à petit, au départ notre projet de collectif était davantage une carte de visite, c’était une manière de dire qu’on travaillait ensemble, de développer notre notoriété à plusieurs. Le projet a fonctionné très rapidement, dans la foulée, on a intégré une DA qui nous a fait toute l’identité visuelle, ce qui est essentiel pour être connu et reconnu sur la table des collectifs de freelances. C’est une véritable co-construction depuis le début et on y tient beaucoup !
Au fond, je suis quelqu’un qui fédère beaucoup, j’ai créé un blog pour mes amis, j’ai aussi eu un forum, j’ai toujours créé des espaces de discussion pour permettre aux gens de se rencontrer, c’est mon truc ! Le projet de Lookoom s’est vraiment inscrit dans cette suite logique. Au départ l’ambition de Lookoom est professionnelle certes mais ce n’était pas dans l’idée de faire du business, de gagner de l’argent avec. On avait vraiment le souhait de créer une communauté bienveillante, avec des relations sincères et réconfortantes, et on est super contentes du résultat aujourd’hui. Une chose est sûre, on est plus forts et plus heureux à plusieurs !
(H) : Super parcours, et alors comment s’articule et fonctionne le collectif ?
(L) : Chez Lookoom, nous proposons à nos clients d’identifier le ou les experts adaptés à leurs problématiques et à leur fournir une équipe projet clef en main. Nos profils sont complémentaires et gravitent autour de l’expertise social media : contenus, stratégique, social ads, datas, cm…
Historiquement, le pilotage est 100 % féminin, on est quatre cofondatrices depuis quatre ans, on travaille toutes à des rythmes différents et on essaie de respecter au mieux les choix de chacune… Il est vrai que la parentalité est un sujet assez récurrent dans le collectif, la dynamique du collectif s’est aussi créé autour de la question de la maternité, puisqu’on a beaucoup de parents. Moi, lorsque j’ai commencé en freelance, j’étais enceinte, tout de suite s’est posé la question : comment on fait quand on est freelance et qu’on est enceinte ? Comment on fait pour rassurer, garder ses clients ? Comment faire pour se faire remplacer sans perdre ses clients ?
Actuellement on est en pleine restructuration, en gros aujourd’hui, on est cent-cinquante dans le noyau élargi, avec une expertise centrée autour du social media. On a plutôt 30-40 ans et on rassemble plutôt des freelances experts et confirmés qui apportent un réseau. Lookoom a 4 ans cette année et les choses changent ! On est parties de 4 cofondatrices et d’un modèle associatif. Aujourd’hui, les projets de chacun.e évoluent et on réfléchit actuellement à monter une société avec de nouvelles dynamiques, une communauté élargie et plus de services pour les freelances de notre réseau.
Notre nouveau modèle va permettre de consolider le réseau existant avec de nouveaux experts et de créer une communauté plus active, plus dynamique, où l’on encourage les échanges de mission, l’apport d’affaires et le cross business.
Avec un ADN toujours très axé sur l’entraide et l’humain, nous avons aussi besoin de trouver un modèle rentable et motivant pour la suite. Cela fait 4 ans qu’on travaille d’arrache-pied pour exister et nous avons aussi une ambition qui évolue avec le contexte du marché.
(H) : De quelle manière est accueilli Lookoom par les freelances ?
(L) : Très bien, c’est difficile de pouvoir échanger avec tous mais nous essayons de le faire au maximum. Place au témoignage de deux freelances du noyau élargi de Lookoom :
* Clémence Ludwig, membre Lookoom depuis 1 an, consultante social media
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« J’ai écrit spontanément à la team Lookoom quelque temps avant le confinement. J’ai beaucoup aimé l’image véhiculée par le collectif, hyper humaine. Même à travers des posts Instagram ou Linkedin, je me suis très vite retrouvée dans “l’esprit Lookoom”. Alors je les ai contactés via Instagram et très vite j’ai échangé avec Louise par téléphone. Et depuis, je m’épanouis pleinement au sein du collectif. Ce que Lookoom m’apporte aujourd’hui ? Des échanges avec d’autres indépendants avant tout (tous mes amis sont salariés) et aussi une émulation qui fait beaucoup de bien. Il n’y a que des talents et de fortes personnalités dans le collectif, ça me faisait un peu complexer au début mais en fait ça tire surtout vers le haut.
Ce qui peut être difficile en tant qu’indépendant c’est de parfois avancer seule, tête baissée dans son aventure et finalement de ne pas trop “évoluer”. Au sein, du collectif, nous sommes tous experts du digital et plus spécialement des réseaux sociaux. Nous échangeons alors beaucoup entre nous sur les dernières tendances, les bonnes pratiques, etc. Un peu comme je le ferais avec des collègues si j’étais salariée d’une entreprise. Cela permet de se remettre en question régulièrement sur nos expertises. »
* Joseph Donyo : membre Lookoom depuis 3 ans, consultant et formateur Facebook ads
« Je connais bien Louise, cofondatrice de Lookoom. Quand elle m’a parlé de son idée de créer ce collectif, j’ai tout de suite été emballé par l’idée et lui ai proposé de rejoindre l’aventure dès le début.
J’aime faire partie d’une petite communauté où tout le monde se connaît et s’entraide. Je fais aussi partie de groupes WhatsApp ou de canaux Slack plus concentrés sur mon métier (les social ads), mais je ne connais pas vraiment la majorité des personnes. Chez Lookoom, on s’est tous rencontrés au moins une fois lors d’évènements physiques ou de “cafés virtuels” sur Zoom. J’ai également collaboré sur des projets avec des membres du collectif, par exemple :
- Samantha Kerdine (D.A.) a réalisé les visuels de deux de mes clients pour des campagnes de publicité Facebook & Instagram que je gère pour eux.
- J’ai participé à la formation Social Media Expert d’Emmanuelle Patry (formatrice et experte social media).
J’adore travailler seul… mais je suis très content de pouvoir échanger avec des indépendant.e.s qui évoluent comme moi dans le domaine du marketing et de la communication digitale. On a souvent des problématiques similaires : commerciales, administratives, juridiques, etc.
Il n’est pas du tout nécessaire d’être à Paris pour faire partie du collectif Lookoom. On a des membres partout en France. Les freelances n’ont pas attendu le covid pour découvrir le travail en remote ! »
(H) : Comment est-ce que tu visualises le partenariat avec Hubl ?
(L) : J’ai connu Hubl grâce à Alex et Cyril avec qui on a beaucoup échangé autour du freelancing et de visions de collectifs. On fait partie de la même génération de freelances et on connaît plein de gens en commun. Si je devais définir Hubl en quelques mots, c’est un collectif de collectifs qui rassemble tous les collectifs pour encourager les freelances à faire des apports d’affaires. Des freelances confirmés et plutôt implantés dans le milieu du numérique. Avec Hubl, on est sur la même longueur d’onde puisqu’on fonctionne avec beaucoup de valeurs communes. Aujourd’hui Lookoom croit beaucoup au modèle du cross business et on pense qu’on a toute notre légitimité pour encourager nos membres à s’apporter des affaires et à en tirer un bénéfice ! Ce qui pourrait être intéressant, comme nous sommes sur une expertise métiers, et Hubl et Happy Dev aussi d’une certaine manière – avec davantage de dev et tech –, ce serait d’essayer de se renvoyer les projets en fonction des missions.
(H) : Comment vois-tu l’univers du freelancing se développer autour de toi ?
(L) : Dans mon écosystème, j’ai le sentiment que ça ne fait que progresser, de plus en plus de freelances arrivent sur le marché, y a un bon avenir pour les structures collectives de freelances car le boom des freelances n’est pas prêt de s’arrêter, et encore plus dans mon expertise métier. On a rarement besoin d’être sur place, le métier se remotise énormément. J’imagine un futur du freelancing plus collectif et plus structuré avec une revalorisation de notre statut et une meilleure protection sociale et financière.
Beaucoup de gens sont malheureux en entreprise aujourd’hui, je ne connais pas de gens heureux dans de grandes boîtes en fait… J’ai beaucoup de clients qui, à force d’échanger avec moi, me disent qu’ils rêvent de se mettre en freelance, c’est assez drôle ! Il y a une vraie transition en train de s’opérer, on est dans un monde où on a envie de prendre plaisir à travailler, on a plus envie de subir le travail ! Tiens, pour illustrer mon propos, j’ai fait une apparition dans le documentaire de Samuel Durand tourné en 2020 Work in Progress, il aborde justement toutes ces questions-là ! (Pour le visionner, il faut aller télécharger l’application Welcome to the jungle, et la location est de 5 euros.) Dans le docu, je parle du collectif, du décloisonnement des modes de travail… Voici le teaser du docu.
Le deuxième film de Samuel Durand s’intitule : Why do we even work ?
Vous aurez aussi plein d’autres infos sur le collectif en écoutant le podcast de Tribuindé de Alexis Minchella, qui a dédié tout un épisode à Lookoom.
Entretien réalisé à Paris en juin 2022
Photos © Marjolijn de Groot